Pour limiter le réchauffement climatique à 1,5 °C, il faudrait, d’après une étude parue l’année dernière, stopper dès à présent l'achat de voitures particulières neuves et limiter les vols long-courriers aux moins de 30 ans (allez savoir pourquoi ? D’ailleurs, les vols moyen-courriers ne sont pas impactés par ces mesures drastiques, allez aussi savoir pourquoi ?). Comme derrière cette étude, j’imagine mal un zadiste ayant trouvé dans l’élevage de chèvres son paradis sur Terre (paradis qu’il aimerait imposer aux autres, mais ça, c’est une autre histoire...), il s’agit certainement d’une boîte de communication dont son directeur a voulu se faire mousser auprès des politiques. Le pire est que j’imagine ce directeur vivant dans un petit village de campagne situé à quelques kilomètres d’une ville de province reliée en une heure à Paris par une ligne TGV. Mais entre nous, qui dégage le plus de CO2 ? Moi et ma femme et nos deux voyages en avion par an à l’autre bout de la planète, ce qui nous attribue d’office l’étiquette de pestiférés de l’environnement, mais qui habitons tout près de notre travail, ou la famille de cet imaginaire directeur de boîte de communication, grand chevalier protecteur de l’environnement ?
D’abord, précisons le mode de vie de notre hypothétique (et imaginaire) directeur de boîte de communication : sa femme (mère au foyer, pas par sexisme de ma part mais pour éviter qu’elle émette du CO2 en allant au travail et ainsi simplifier mes calculs) utilise une voiture électrique pour amener leurs deux enfants à l’école, au violon, à l’équitation, au judo, etc... Et pour faire ses courses dans un magasin bio de la ville la plus proche (car dans le petit village où habite cette famille, on trouve à peine une épicerie et une boulangerie), ou aller chercher ses légumes dans une AMAP, elle parcourt donc au total quelque chose comme 50 km par jour, soit environ 15.000 km par an. Certes, la voiture électrique ne dégage pas directement de CO2, mais pour la recharger, il n’y a pas que des barrages hydro-électriques, des éoliennes ou des centrales solaires. Il y a aussi du nucléaire (je rappelle que la quantité de béton nécessaire pour construire de telles centrales est faramineuse, béton transporté par une myriade de camions équipés de gros moteurs diesel) et des centrales thermiques (gaz naturel, fuel lourd ou même charbon)... En France, une voiture électrique, malgré nos nombreuses centrales nucléaires, dégage tout de même (en moyenne) 15 g de CO2 par kilomètre parcouru (c'est-à-dire 9 fois moins qu’une voiture thermique). Cela fait donc un premier total de 225 kg de CO2 par an, ce qui peut paraître négligeable mais qui représente tout de même environ 22 % de la quantité de CO2 émise, pour un passager, lors d’un vol aller-retour «Paris - New-York» !
De plus, la fille de monsieur le directeur de la boîte de communication fait de l’équitation, sport proche de la nature et des animaux. Elle utilise donc un cheval qui pète (du méthane), qui mange du foin et chie du crottin dans son écurie qu’il faut nettoyer. Ce cheval représente donc une source de CO2 (partagée entre plusieurs enfants qui utilisent le même cheval) car le propriétaire de l’écurie ne doit certainement pas rouler en voiture électrique mais avec un gros 4x4 ou un fourgon au diesel. Bien évidemment, il faut aussi du diesel pour le tracteur agricole qui déplace les meules de foin ou le fumier, et ces engins agricoles sont très gourmands en carburant : 20 à 30 litres par heure ! Comme je n’ai trouvé aucune information pour me dire quelle quantité de CO2 est émise lors d’une séance d’équitation, je vais tout de même considérer que, par séance d’équitation, pour un cavalier, un (petit) litre de diesel est brûlé par le propriétaire du cheval. Cela représente donc 2,67 kg de CO2 émis par séance d’équitation pour la fille de monsieur le directeur de la boîte de communication. Ce qui fait par an (40 séances), un peu plus de 100 kg de CO2, soit environ 10 % des émissions d’un vol aller-retour «Paris - New-York» pour un passager !
Prenons maintenant, le véhicule que monsieur le directeur utilise pour aller de chez lui à la gare TGV de sa ville de province (une quarantaine de kilomètres en gros SUV familial), les deux heures de TGV quotidiennes (aller-retour) et le trajet entre la gare TGV de Paris et son bureau (en taxi pour aller plus vite qu’en métro) : on peut facilement chiffrer ces émissions de CO2 à 3 kg par jour de travail, soit environ 630 kg par an ou 63 % des émissions d’un vol aller-retour «Paris - New-York» pour un passager... Ca commence à chiffrer, car même si le train est relativement peu polluant (moins qu’une voiture et beaucoup moins qu’un avion), c’est tout de même 2,4 grammes de CO2 par passager et par kilomètre, soit environ 1,4 kg de CO2 pour deux heures de trajet ! Continuons ensuite par un poste encore plus important : l’équipement informatique (smartphones & TV 4K inclus) de cette famille qui a besoin d’être constamment connectée pour savoir où sont les différents membres de la famille (la SNCF est coutumière des retards sur ses lignes TGV). Et là, ça chiffre sérieux : on peut estimer cette émission de CO2 à au moins 3 tonnes par an ! Et oui, recharger les batteries du PC portable de monsieur le directeur, celui de la famille, les différents smartphones, le réseau 4G, les serveurs informatiques utilisés pour internet, ça consomme un maximum et malgré les centrales nucléaires françaises (d’autant plus que les serveurs informatiques mis à contribution pour les besoins de cette famille ne sont pas tous localisés sur le territoire français), ces équipements énergivores dégagent beaucoup de CO2 lors de leur utilisation.
On en est donc à presque 4 vols aller-retour «Paris - New-York», rien que pour les déplacements de cette hypothétique famille, les séances d’équitation et leur équipement informatique... Mais il faut encore qu’ils mangent, qu’ils s’habillent, qu’ils se lavent et lavent leurs habits, qu’ils se chauffent, qu’ils entretiennent leur maison, qu’ils partent en vacances et en week-ends, etc... Là encore, la facture est importante côté CO2 mais elle est très difficile à chiffrer. Quoi qu’il en soit, pour ces postes, ils émettent certainement 2 à 3 fois plus de CO2 que nous pour ces mêmes postes et au total, je pense que les émissions de CO2 de cette famille dépassent très largement les nôtres, malgré le fait que nous voyageons souvent en avion sur des vols long-courriers, car, tout simplement, ils ont deux enfants et ils habitent loin de leur travail. Je suis d’accord que cela ne doit pas nous donner bonne conscience pour voyager en avion, mais nous ne polluons tout de même pas plus que d’autres personnes qui se donnent une bonne conscience écologique car n’utilisant pas l’avion !
Avant de finir, histoire d’enfoncer le clou, je vous propose un petit quiz. Qui émet le plus de CO2 entre :
1- Un vol aller-retour «Paris - New-York» (pour un passager) et 70 jours de trajets quotidiens pour un salarié français «moyen» ?
2- Un vol aller-retour «Paris - New-York» (pour un passager) et un an d’utilisation d’un PC portable bureautique ?
3- Quatre heures de vol en Airbus A-320 néo (à environ 800 km/h, soit 3.200 km parcourus), pour un passager, et un trajet aller-retour «Lille - Perpignan» en Dacia Duster essence phase 2 ?
4- Une heure de vol en Airbus A-320 néo (à environ 800 km/h), pour un passager, et 2h30 de trajet en voiture électrique en Pologne (à vitesse modérée) ?
5- Une heure de vol en Airbus A-320 néo (à environ 800 km/h), pour un passager, et 1 heure de jet-ski (avec un ou deux passagers) ?
Et la question subsidiaire : va-t-on dépasser les 2 °C de réchauffement de la planète dans les prochaines décennies ?
Les réponses :
1- Ce sont les chiffres de l’INSEE : en moyenne, un Français émet autant de CO2 en 70 jours de trajets quotidiens (pour se rendre à son travail, faire ses courses ou conduire ses enfants à l’école ou à ses activités périscolaires) qu’un passager d’un vol aller-retour «Paris - New-York», c'est-à-dire un peu plus d’une tonne de CO2 !
2- En pensant que j’exagère, vous avez fait 3 recherches sur votre moteur de recherche préféré et rien que pour ces 3 recherches, sans vous en rendre compte, vous avez émis 2 ou 3 grammes de CO2 ! Ca paraît tout petit mais une dizaine de recherches par jour, au bout d’un an, c’est 25 kilos de CO2émis (indirectement) par les serveurs mis à contribution pour vos recherches. Vous avez aussi regardé des vidéos rigolotes de chatons sur YouTube & Co. ? Ca représente 1 g de CO2 toutes les 10 minutes ! Bref, d’après une étude gouvernementale anglaise, l’utilisation d’un PC bureautique émet plus d’une tonne de CO2 par an, soit l’équivalent d’un aller-retour «Paris - New-York» pour un passager !
3- Un Airbus A-320 néo : moins de 4 litres de kérosène consommés aux 100 km et par passager (4 litres est une moyenne mondiale, tous types d’avions confondus, pour la consommation des vols moyen-courriers ; et l’A-320 néo est l’un des avions les moins gourmands en kérosène). A raison de 3 kg de CO2 émis par litre de kérosène (contre 2,3 kg de CO2 par litre d’essence et 2,67 kg de CO2 par litre de diesel), on obtient donc 96 kg de CO2 émis par heure de vol et par passager. Le Dacia Duster 1.2 TCe 125 phase 2 : 8,4 litres/100 km sur autoroute. Un trajet aller-retour «Lille - Perpignan» en Dacia Duster (2 x 1.065 km d’autoroutes), c’est 180 litres d’essence, soit 414 kg de CO2, ou l’équivalent d’un peu plus de 4 heures de vol en moyen-courrier pour un passager. D’accord, le Dacia peut emporter jusqu’à 5 passagers pour une faible surconsommation en carburant, sauf si on a posé un coffre de toit (ce qui est vite nécessaire pour partir en vacances à 5 dans un Dacia), ce qui fait beaucoup augmenter la consommation, surtout sur autoroute. Puis, vacances scolaires riment souvent avec bouchons...
4- En Pologne, avec les centrales thermiques polonaises (et non pas nucléaires comme en France), les voitures électriques émettent plus de CO2 que les voitures thermiques. Faites donc une règle de trois avec les données de la réponse précédente et vous aurez la réponse à cette question.
5- Un jet-ski, c’est au moins 25 litres d’essence par heure, avec une succession de phases transitoires où la combustion est loin d’être optimale... On se retrouve alors avec des émissions de CO2 (et de CO, de NOx, etc...) énormes. Mais prendre un avion long-courrier, c’est mal, faire le con en jet-ski, c’est fun ! Quand tout le monde ira tondre des moutons pendant ses vacances, peut-être que je me contenterai d’aller tondre les mérous en Méditerranée pendant les miennes .
Et pour la question subsidiaire : oui, même si je ne voyage plus en avion et que je ferme bien la lumière chez moi en quittant une pièce (n’oublions pas que les ampoules connectées, qui permettent d’être allumées ou éteintes avec un smartphone, consomment plus d’énergie qu’une ampoule à économie d’énergie, bien évidemment, reliée à un interrupteur mécanique tout simple, même si on oublie de l’éteindre de temps en temps...). Je ne suis certes pas devin, ni grand analyste politique, mais la cause profonde de l’inaction contre le réchauffement climatique me semble principalement liée à notre système politique : dans les démocraties comme en France, si un homme ou une femme politique ose mettre en place une loi impopulaire (voir les mesures ci-dessous) mais nécessaire pour lutter contre le réchauffement climatique, son adversaire politique récoltera alors une majorité de voix aux élections suivantes, rien qu’en promettant de revenir en arrière sur cette loi (c’est ce qui s’est passé aux USA : Trump a été élu en promettant de supprimer les lois environnementales mises en place par l’administration Obama). Cela signifie donc que, compte tenu du jeu démocratique actuel, exacerbé par les réseaux sociaux, la planète est foutue... Bref, au lieu de manifester ou de tenter des actions en justice stériles contre les gouvernements, commencez donc par boycottez votre smartphone : ça économisera vraiment de l’énergie pour lutter contre le réchauffement climatique !
Blague à part, à mon humble avis, il faut surtout continuer à renseigner la population mondiale sur la protection de l’environnement, et ce de manière objective et crédible sans tomber dans l’extrémisme en ânonnant par exemple que «l’avion, c’est mal, l’élevage de chèvres, c’est bien !». C’est vrai mais extrémiste (même si j’aime beaucoup les chèvres, cuisinées en colombo que l’on déguste en Guadeloupe ). Inutile aussi de tomber dans le ridicule en expliquant que la montée des océans, qui est actuellement de 3,6 mm par an (soit une montée de 3,6 cm pour les dix prochaines années si ce phénomène ne s’accélère pas ; dans le cas contraire, d’après une dernière étude scientifique, les océans pourraient monter de presqu'un mètre d’ici 2100), a fait (au passé) disparaître des plages entières du littoral atlantique français ! C’est peut-être vrai (c’était le titre d’un article d’un journal en ligne, spécialisé dans l’écolo-extrémisme) mais c’est surtout totalement contre-productif car peu crédible (alors que l’érosion actuelle des plages atlantiques me semble plus logiquement liée aux tempêtes violentes de plus en plus fréquentes à cause du changement climatique). Ensuite, c’est à chaque individu d’agir en connaissance de cause, dans ses choix de tous les jours, par exemple, en boycottant l’utilisation de certains produits nocifs à l’environnement : normalement, on ne devrait avoir pas besoin de nouvelles lois pour interdire ces produits, la loi de l’offre et de la demande devrait suffire amplement (au détail près que l’Homme est bien souvent voleur et arnaqueur d’où la nécessité pour les gouvernements de légiférer...).
PS : Si vous venez de lire cet article en globalité, vous venez d’émettre 2 grammes de CO2... Faites donc 3 minutes et 20 secondes d’apnée pour compenser cette émission intempestive de CO2 (à raison de 10 mg de CO2émis par seconde de respiration). Quant à moi, j’ai au moins dû émettre 4 kg de CO2 en le rédigeant, je vais devoir faire une apnée de plus de 4 jours pour compenser tout ce CO2, je crois que ça ne va pas être possible...
Post-PS : Au fait, je ne vais pas arrêter de prendre l'avion pour permettre aux générations futures de mater des séries ou de jouer à «Pokémon GO» sur leur smartphone en 5G. LA question à laquelle il serait fort utile de répondre est : combien de CO2 un joueur de «Pokémon GO» dégage-t-il en une année ? Il faut bien évidemment, prendre en compte l'alimentation électrique des serveurs informatiques situés dans des pays sans centrale nucléaire, le refroidissement de ces serveurs, les antennes relais 5G, la charge du smartphone, etc...
Post-Post-PS : Et oui, les mérous peuvent être tondus, car le poil de mérou se tond (je sais, elle est mauvaise, mais elle fait toujours rire les plongeurs débutants).